Les épreuves non validées, des outils à ne pas négliger pour bilanter
As-tu déjà pensé à réaliser un bilan à base d’outils non validés scientifiquement ?
Chez Learning Brain, la neuropsychologie nous oblige à penser comme des scientifiques. Mais l’expérience nous permet aussi un peu de souplesse …
Après notre bilan plus “classique”, lors de la première séance de suivi, nous avons décidé d’ajouter quelques épreuves non normées “faites maison” ou tirées de divers courants.
Dans cet article, on a décidé de t’expliquer comment nous procédons en insistant, bien entendu, sur l’importance de bien connaître ses outils et de garder un esprit critique.
Allez, c’est parti !
Pourquoi utiliser des épreuves “faites maison” ?
On a déjà pas mal d’épreuves validées et normées après tout …
Oui … et non.
Si les épreuves normées comme :
🧠Les batteries Weschler permettent d’obtenir le QI des patients et d’évaluer les capacités de raisonnement verbal, perceptif, …
🧠 Les batteries type “NEPSY” ou “TEA-Ch” permettent de comparer un jeune à une moyenne en ce qui concerne ses compétences attentionnelles et exécutives
🧠 ...
Il ne faut pas oublier qu’elles ne sont pas toujours très écologiques.
De plus, le fait de devoir respecter de manière stricte des consignes de passation laisse peu de place à la souplesse et aux évaluations “annexes” (comme celles des stratégies métacognitives, par exemple).
Cependant, au fil des années, nous avons doucement ajouter à nos bilans des épreuves non normées, “faites maison” ou tirées de divers courants vus en formation (exemple : la gestion mentale).
L’objectif de ces épreuves n’est, évidemment, pas de donner des scores. Et encore moins de poser un quelconque diagnostic. Mais, quand on connaît bien ses outils, les observations que l’on peut en tirer sont d’une grande richesse, notamment pour la prise en charge du patient.
C’est d’ailleurs la condition indispensable : bien connaître ses outils !
Les maîtriser sur le bout des doigts, c’est :
- S’assurer d’observer tout ce qu’on peut observer
- Bien comprendre les fonctions cognitives auxquelles on fait appel en réalisant l’exercice
- Se poser les bonnes questions
- Adopter la bonne posture face au jeune qui passe l’épreuve
- Etre conscient des indices verbaux et non verbaux que l’on a donné au jeune (“juste aide”) (CPIM, Gabriela Perez Acevedo, 2016).
- ...
Quel inconvénient cela comporte-t-il ?
Bien évidemment, il nous faut rester prudent lorsqu’on utilise ce type d’épreuves.
Tout d’abord parce que leur interprétation est sujette à la subjectivité.
De plus, quand on maîtrise quelque chose (ici : notre outil “fait maison”), on court toujours le risque d’être “aveuglé”. Au sens figuré bien évidemment. Mais pour que tu comprennes bien, je te donne un exemple concret :
Tu es spécialisé dans les Troubles du Spectre de l’Autisme, tu gères à fond ton sujet. Le risque sera toujours de n’entendre et ne voir que les indices qui vont dans ce sens chez tes patients. Il s’agit du biais de confirmation …
Alors, avec nos outils non normés, comme avec nos connaissances théoriques, il nous faut rester vigilants, prendre du recul et garder un esprit critique.
Quels types d’épreuves non validées utiliser pour continuer le bilan ?
Tout dépend de ce que tu souhaites observer, c’est évident.
Avant de te donner quelques exemples concrets d’outils que nous utilisons, voici quelques “conditions” qui te permettent de les choisir :
- Les connaître sur le bout des doigts (ça, on te l’a déjà dit 😀)
Pour ça, les avoir utilisées sous forme d’exercice lors de tes séances, sur plusieurs jeunes et à plusieurs reprises est plutôt indispensable. En effet, cela te permet de développer une certaine expérience clinique (les résultats couramment obtenus/attendus, …).
- Qu’elles soient facilement réutilisables plusieurs semaines après la première utilisation (afin de pouvoir comparer les “résultats” et observations)
Il te faut, en autres, pouvoir prendre des notes de manière fluide et pouvoir comparer tes notes avant et après le suivi. Et si tu es au clair avec les termes précis que tu utilises, c’est mieux ! 😉
Et, dans ce cadre, avoir une version B de tes épreuves, du même niveau que la A, peut être utile.
❗❗ Pendant le suivi, il ne s’agit pas d’aller entraîner ces exercices. Sinon, bien évidemment, le re-test n’a aucun sens. ❗❗
Bon, eh bien, on est parti pour quelques exemples concrets d’outils que nous utilisons ! 🚶🏻♀️➡️
Les mots couplés
Kesako ?
Il s’agit d’un exercice de mémorisation que je fais avec mes patients et leurs parents lors de la 1ère séance de suivi.
- 3 listes de 7 paires de mots que je vais lire à voix haute (une liste à la fois).
- Objectif : mémoriser pour pouvoir me rappeler le 2ème mot quand je dirai le premier.
- Une méthode de mémorisation imposée pour chaque liste :
1. Mémorise en voyant uniquement l’image dans ta tête et en l’effaçant ensuite
Ex : “Bouteille” → tu vois l’image et tu effaces
Puis “Cactus” → tu vois l’image et tu effaces
2. Mémorise en créant une petite histoire entre les deux mots (tu l’imagines sous forme de vidéo ou tu te la racontes dans ta tête)
Ex : “Bouteille - cactus” → le cactus veut entrer dans la bouteille
3. Mémorise en te répétant plusieurs fois les paires
Ex : “bouteille - cactus” → bouteille-cactus, bouteille-cactus, bouteille-cactus
- On fait 3 colonnes sur sa feuille et on démarre les rappels
- Liste 1 : taux de réussite moyen entre 0 et 2/7
- Liste 2 : taux de réussite moyen entre 4 et 7/7
- Liste 3 : taux de réussite moyen entre 0 et 1/7
Ces taux moyens, nous les avons obtenus après plus de 10 ans à faire passer cette épreuve à nos patients.
Nos objectifs ?
- Casser les fausses croyances en termes de mémorisation (“telle technique marche trop bien pour moi”, “mon enfant a une très mauvaise mémoire”, …)
- Rassurer le parent
- Créer du lien, une alliance thérapeutique
- Dédramatiser et rigoler un peu (oui, c’est assez sympa !)
“Bravo, t’as eu 0, t’es comme tout le monde !” → Ça fait du bien, non ?
Pourquoi l’utiliser au moment du bilan ?
- Mettre en avant les forces du jeune et ses stratégies métacognitives
Parfois, le jeune a les ressources en lui. Il est capable, par exemple, de faire rapidement des liens. Par contre, il ne sait pas comment y arriver dans ses cours …
- Lui faire prendre conscience de sa méthode, de ce qui marche et ne marche pas
- D’observer ce qui peut bloquer sa mémorisation (ex : de la distraction)
Et après le suivi ?
Refaire passer cet exercice (personnellement, on utilise des “listes B” pour changer les mots à retenir) est super chouette. On peut voir si le jeune a changé de stratégie, celle qu’il utilise de manière préférentielle, …
La grille de chiffres
Kesako ?
Une grille carrée de 25 cases contenant 25 chiffres (un par case, du coup 😛).
- En 2 minutes ou sans temps imparti
- Le patient doit mémoriser la grille pour pouvoir remplir une grille vierge
- Aucune stratégie imposée
Nos objectifs ?
- Observer la stratégie du jeune
- Voir s’il prend le temps d’observer les liens et la logique de cette grille
- Montrer les diverses manières de voir les choses et stratégies utilisées grâce à la participation des parents à l’exercice. Cela permet aussi de montrer à des parents un peu plus “contrôlants” (qui auraient tendance à imposer leur méthode à leur enfant) que chacun fonctionne différemment et a sa propre manière de penser, de faire des liens (Mind Mindedness).
Et après le suivi ?
Après quelques semaines, comment procède le jeune ? Essaye-t-il de repérer les liens, la logique, les similitudes, … Quelle stratégie utilise-t-il ? Est-ce plus efficace qu’avant le suivi ?
La lecture de consignes
Kesako ?
Une ou deux feuilles, des consignes à respecter.
- La consigne est simple : lis attentivement les consignes et fais ce qui t’est demandé
Nos objectifs ?
C’est un exercice intéressant parce qu’il ressemble à quelque chose de plus “scolaire”. Lire et respecter des consignes, rien de plus courant à l’école, pas vrai ? Pourtant, de nombreux jeunes sont en difficulté face à cette “simple tâche”.
Avec cet exercice, nous voulons observer :
- Le comportement de l’enfant/ado (Est-il lent ? Impulsif ? Motivé ? Stressé ? …)
- Sa stratégie (lit-il toutes les consignes avant de commencer ? Relit-il plusieurs fois les consignes ? Prend-il le temps de se corriger avant de rendre sa feuille ? …)
Après la réalisation de cet exercice, si on observe des erreurs (ce qui est souvent le cas), on demande au jeune s’il a l’habitude de se relire quand il lui reste du temps. Et on lui propose de le faire. Et ce qui est fou, c’est qu’il ne voit souvent pas ses erreurs lors de la relecture.
Et cela nous permet de travailler la relecture et de proposer des procédures pour apprendre au jeune à se corriger.
Et après le suivi ?
Bien sûr, comme pour les autres épreuves, l’idée est de voir ce que le jeune a retenu de son suivi, les nouvelles stratégies qu’il met en place, ses nouvelles habitudes, …
En conclusion
L’utilisation d’épreuves non validées et normées, en plus des bilans classiques, peut être extrêmement riche.
En effet, cela nous permet d’observer les stratégies métacognitives du jeune et ses “images mentales”. Mais aussi d’observer, de manière parfois plus écologique, des fonctions cognitives telles que l’inhibition, la flexibilité, la mémoire de travail, …
Ces épreuves ne remplacent pas celles des batteries validées comme la WISC-V par exemple. Mais elles sont très complémentaires, selon nous.
Les stratégies métacognitives et d’évocation nous semblent tellement importantes à évaluer. Au même titre que les compétences cognitives.
Mais encore faut-il bien connaître ses outils, être capable de prendre du recul et de garder un esprit ouvert et critique …
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