Notre cerveau est un sacré farceur !
Les biais cognitifs chez les thérapeutes et enseignants
Notre cervelle, on l’aime, elle est pleine de ressources ! Mais elle peut également nous jouer des tours en prenant des raccourcis qui, parfois, sont assez mal venus.
Tu l’as compris, on va te parler de biais cognitifs. En même temps, c’est dans le titre …
On va commencer par expliquer de quoi il s’agit pour, ensuite, faire des liens avec l’enseignement (en classe ou en séance de méthodo, par exemple). Et on va remettre tout ça en contexte pour que tu comprennes bien ! Parce que connaître ces biais, c’est le meilleur moyen de les éviter.
Allez, c’est parti !
Les biais cognitifs, c’est quoi ?
Le Robert définit le biais cognitif comme une “distorsion dans le traitement d'une information, susceptible de fausser le raisonnement et le jugement.”
En fait, ces “raccourcis” que notre cerveau fait ont pour objectif d’optimiser notre prise de décision, de conserver de l’énergie cognitive pour d’autres choses, de créer du sens, … Pour nos très vieux ancêtres, c‘était même une question de survie !
Mais le problème avec les automatismes, c’est leur côté un peu trop … automatique ! 😜
Quels sont les différents types de biais cognitifs ?
Il existe près de 250 biais cognitifs différents. Je te rassure, on ne va pas tous les énumérer ! Mais voici les différentes catégories :
1. Les biais sensori-moteurs
Ils se présentent lorsque nos sens analysent mal les informations qu’ils reçoivent. Dans ce cadre, on parle plus d’illusion que de biais.
Petit exemple :
Source : Ebbinghaus Illusion
Si on te demande quel est le plus grand rond orange, que réponds-tu ?
Oui … nous aussi … Sauf qu’en fait, ils ont exactement le même diamètre !
2. Les biais attentionnels
Notre cerveau est incapable de faire attention à tous les éléments que nos sens perçoivent. T’imagines la surcharge ? 🤯
Du coup, il fait le tri. Et de manière plutôt subjective puisque cela dépend de ce qui nous semble utile, nous intéresse ou nous préoccupe. Nous portons donc plus attention à des stimuli émotionnellement chargés (pour nous) qu’à des stimuli neutres.
Exemple :
- Des personnes avec une anxiété sociale portent plus d’attention à des visages menaçants.
- Les personnes qui ont très faim font plus facilement le focus sur tout stimulus en lien avec la nourriture (ex: un gâteau, un paquet de frites,...).
Et ce, au détriment d’autres stimuli.
3. Les biais mnésiques
Il s’agit de tous les biais en lien avec la mémoire :
- Perceptions actuelles tronquées du fait d'expériences passées ou autres informations en mémoire.
- Souvenirs faussés ou modifiés en fonction de notre état affectif.
Exemple : des personnes dépressives vont avoir tendance à se rappeler essentiellement d’expériences négatives.
4. Les biais de raisonnement
Il s’agit de défauts d’analyse ou de raisonnement comme, par exemple :
- Le fait de préférer toutes les infos qui confirment notre hypothèse plutôt que celles qui l’infirment (biais de confirmation).
- Le fait de considérer un détail comme une généralité pour une population donnée (biais de représentativité).
Et nous finissons, avec ce type de biais, par oublier toute logique …
5. Les biais de jugement
Il s’agit de toutes les erreurs que nous faisons en jugeant autrui (ex: en estimant sa valeur).
Un biais très connu est celui de Halo. Ce biais consiste à persister dans sa “première impression” et de ne “voir que ce qu’on veut bien voir”.
Exemple : Si j’ai une impression positive de quelqu’un, je vais avoir tendance à minimiser les choses négatives que je pourrais apprendre de lui par la suite.
6. Les biais liés à la personnalité
Il s’agit ici des distorsions cognitives liées à ce que nous sommes, à notre culture, à nos habitudes, … Nous traitons les faits selon notre prisme personnel.
Exemple : Si je suis quelqu’un de très optimiste, je peux l’être de manière exagérée par rapport aux situations auxquelles je suis confronté.
Quand apparaissent ces biais cognitifs ?
De manière générale, notre esprit a tendance à fonctionner selon deux modes :
- Automatique : face à une situation connue ou perçue comme facile, on fait des raccourcis, on tire des conclusions hâtives. Le cerveau a ici recours à une heuristique plutôt qu’à la logique.
- Adaptatif : face à une situation nouvelle, inconnue ou perçue comme compliquée, le raisonnement est plus lent, tous les détails sont analysés, ...
Certaines situations ont toutefois tendance à entraîner plus facilement des biais cognitifs.
Par exemple :
- Celles qui sont connues/habituelles.
- Celles qui nécessitent d’agir vite.
- Celles où nous sommes confrontés à trop d’informations.
- Celles qui manquent de sens.
Quand les enseignants sont victimes de biais cognitifs …
Quand nous parlons d’enseignants, nous évoquons aussi les thérapeutes qui proposent de la méthode de travail ou des rééducations comme les neuropsys, les orthophonistes, les psychopédagogues, …
Tu l’as compris, nous sommes tous confrontés à de nombreux biais cognitifs. Et, dans le domaine des apprentissages, leurs conséquences peuvent être assez dommageables.
Faisons le point sur ceux qui peuvent avoir un impact sur les apprentissages et les apprenants !
L’effet de Halo et le biais de confirmation
Un des effet les plus connu et fréquent est l’effet de Halo. Clifford et Walster, en 1973, publient les résultats d’une étude réalisée sur des enseignants du primaire. Ces derniers devaient juger de l’intelligence d’enfants sur base de photos. Ils devaient également évaluer leurs chances de réussite et le niveau d’implication de leurs parents dans leur scolarité. Les enfants jugés “beaux” étaient également, selon ces enseignants, estimés plus intelligents et plus susceptibles de réussir leurs études. Tout ça avec des parents plus impliqués.
C’est pas dingue, ça ? Et ce biais, nous en sommes tous victimes.
Et si les enfants “beaux” sont vus comme ayant le plus de chances de réussir … Tu sais comment sont perçus ceux qui sont moins agréables à regarder. Tout ça est inconscient, évidemment. Mais ce qu’on pense de quelqu’un influence notre façon de nous comporter avec lui. Il est donc important d’y être attentif.
Le biais de Halo, c’est aussi cette tendance qu’a notre cerveau à rester sur sa première impression. Imaginons alors qu’un enfant soit mal perçu lors de la rentrée (peut-être parce qu’il a un mauvais comportement lors de sa première semaine). L’enseignant aura tendance à rester sur cette mauvaise impression. Mais, en plus, il s’arrêtera plus facilement sur toutes les preuves qui confirment cette impression. C’est ce qu’on appelle le biais de confirmation d’hypothèse. L’élève peut donc vite devenir le bouc émissaire …
Quel rapport avec les apprentissages ?
Chez Learning Brain, nous sommes convaincue qu’un des éléments essentiels au bon déroulement des apprentissages est l’alliance élève-enseignant. Le lien affectif qui se développe entre eux, la relation qu’ils entretiennent est importante.
Petit aparté sur l’effet Pygmalion
Très connu, il s’agit du phénomène selon lequel nos attentes envers quelqu’un (positives ou négatives) influencent notre comportement envers lui. Et ce dernier finit par se conformer à nos attentes.
Si un enseignant estime que Louis est un bon élément et qu’il va réussir son année sans difficulté, il se comportera avec lui de manière positive, il le valorisera, l’impliquera, … Et il est probable que Louis réussisse donc mieux son année qu’il n’aurait pu le faire sans cette attitude de la part de son enseignant.
Le biais de savoir ou “la malédiction des connaissances”
Bouh ! Ça fait peur ce nom, hein ? 😱
Ce biais peut vraiment impacter les apprentissages. En effet, il s’agit de la difficulté pour l’adulte (thérapeute, enseignant, parent) à se mettre dans la peau de l’enfant qui apprend . En tant qu’experts d’un sujet, nous avons tendance, parfois, à oublier que les apprenants ne le sont pas …
“Mais qu’est-ce que tu ne comprends pas Roger ?” Ben tout m’dame !
Nous utilisons, par exemple, un vocabulaire peu connu (voire totalement inconnu de l’enfant) pour expliquer une notion tout aussi nouvelle.
Ici, il nous semble intéressant de faire le lien avec un passage du livre “Mémoire et réussite scolaire” de A. Lieury. En effet, l’auteur explique qu’on ne se rend pas compte du nombre de nouveaux mots auxquels l’apprenant est confronté pendant son année scolaire. Un adulte considère souvent qu’un “nouveau mot” est un mot “technique”. Mais ce qui n’est pas “technique” pour lui, en tant qu’expert, l’est peut-être pour les apprenants.
Un exemple concret : chez Learning Brain, nous parlons souvent de fonctions exécutives. Ce terme, pour nous, n’est pas “technique”. C’est plutôt un terme de base. Mais, finalement, ce concept n’est pas connu de tous. Loin de là.
Lieury évoque une étude mettant en évidence que les élèves qui ont un haut niveau de mémoire encyclopédique (mémoire des mots de vocabulaire spécifiques aux matières scolaires) sont ceux qui réussissent le mieux.
Le biais de dissonance cognitive
Nous sommes confrontés à une dissonance cognitive lorsque nous recevons des informations qui ne vont pas dans le sens de nos croyances ou hypothèses. Cela crée un conflit intérieur, un malaise que l’on essaye de réduire en rejetant cette nouvelle information, par exemple.
En quoi ça peut impacter la pratique des thérapeutes ou enseignants ?
Parce que cela pourrait empêcher le professionnel de prendre du recul par rapport aux outils et méthodes qu’il utilise depuis longtemps et qui pourraient ne plus être d’actualité, par exemple.
Plus concrètement, imagine que des études démontrent l’intérêt d’utiliser une certaine méthode d’enseignement en classe mais qu’elle est très différente de celle que tu utilises depuis toujours. Ce biais te pousserait à te convaincre que cette méthode ne fonctionne pas sur des élèves comme les tiens ou dans la matière que tu enseignes, par exemple.
Le biais de la tâche aveugle
Finissons par ce biais qui implique tous les biais.
Il s’agit ici de la croyance selon laquelle nous sommes moins sujet aux biais cognitifs que les autres. Et cela peut être dangereux car nous serions alors moins susceptibles de nous remettre en question quant à, par exemple :
- Nos attentes et comportements envers nos patients et élèves .
- Nos pratiques cliniques ou d’enseignement.
En conclusion ...
Nous sommes tous confrontés à des biais cognitifs. Toi, moi, les grands, les petits, …
Notre cerveau met en place des raccourcis qui nous permettent de prendre des décisions rapides, de mettre du sens sur ce que nous vivons, …
Ces biais sont totalement inconscients mais peuvent avoir des conséquences sur notre façon d’agir, de raisonner ou de juger les autres. Il est malheureusement impossible de s’en débarrasser totalement. Par contre, avoir conscience de leur existence permet d’éviter un maximum de dérives !
SOURCES :
- https://hal.science/hal-03894576/document#:~:text=Les%20biais%20cognitifs%20se%20produisent,qui%20pourrait%20avoir%20des%20r%C3%A9percussions
- https://skillsday.com/ressources/biais-cognitif-definition/#:~:text=Le%20biais%20cognitif%20est%20un,Des%20pr%C3%A9jug%C3%A9s
- https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/photos-top-15-illusions-optique-plus-surprenantes-691/photos-illusion-ebbinghaus-cercles-titchener-4666/
- https://www.universalis.fr/encyclopedie/psychopathologie-cognitive/2-les-biais-cognitifs/
- https://nell-associes.com/blog/les-biais-de-jugement/
- https://nell-associes.com/blog/les-biais-cognitifs-en-apprentissage/
- https://knowledgeone.ca/3-biais-cognitifs-a-connaitre-en-education/?lang=fr
- https://www.empowill.com/blog/comprendre-les-biais-cognitifs-pour-ameliorer-ses-formationshttps://perspectivesssf.espaceweb.usherbrooke.ca/2021/04/01/ces-biais-cognitifs-qui-nous-jouent-des-tours-jusque-dans-levaluation-des-apprentissages/
- https://insights.gostudent.org/fr/biais-cognitifs-eviter-professeur
- https://ecolhuma.fr/wp-content/uploads/2021/07/Note_biais_misenpage_V2.pdf